Accueil > Automobiles > Pourquoi j’ai arrêté l’ancienne
Pourquoi j’ai arrêté l’ancienne
lundi 2 janvier 2023, par
Si l’automobile n’existait plus, il faudrait la réinventer, encore que je me demande si l’on peut parler d’« invention » à son propos : aventure industrielle et humaine serait sans doute plus adapté. Une aventure qui a commencé au début du xxe siècle et qui a façonné notre monde.
C’est que l’objet n’a pas grandi tout seul : sa croissance s’est accompagnée du développement de toute une infrastructure, usines, routes, stations services, hôtellerie, restauration… Posséder une voiture ancienne, c’est s’approprier une part de cette aventure, du moins peut-on le croire. Dans mon cas, ce fut davantage par curiosité que par nostalgie : je voulais découvrir l’expérience de conduite de ces modèles dont j’avais été au mieux le passager.
J’en ai possédé quatre, une à la fois, d’avril 2016 à février 2022, soit un peu moins de six ans :
- Une 4 CV de 1959, décrite ici. Voir également Wikipédia.
- Une Volkswagen coccinelle de 1962, voir cet article. Voir Wikipédia.
- Un coupé Lancia Flavia de 1968, magnifique, dont j’ai parlé ici. Voir Wikipédia.
- Enfin une DS21 de 1969. Voir Wikipédia.
La DS 21 fait un peu figure d’exception, puisque contrairement aux trois autres, c’est un modèle que j’avais déjà conduit. En effet, mon père avait acheté en 1973, non pas une DS 21, mais une DS 20 qu’il a conservée dix ans et que j’avais eu l’occasion de conduire un peu. Cette auto échappait donc en partie à mon plan initial et je pense que cela m’a donné le sentiment d’avoir fait le tour de la question, ce qui bien sûr est une excellente raison pour mettre fin à une addiction, ou tout au moins pour en changer.
Je pense aussi que posséder une voiture ancienne, ça ne vaut le coup que si l’on roule. Et je roulais : environ 5000 km par an, qui sont des kilomètres « en plus », puisque je roulais avec ces voitures le plus souvent pour le plaisir de rouler. J’ai fini par me dire qu’avec ses 12 litres aux 100 kilomètres et son échappement non catalysé, la DS polluait au moins deux fois plus que ma voiture de tous les jours et que cela faisait beaucoup pour un véhicule qui me motivait de moins en moins. Je précise ici que je ne compte dicter à personne sa conduite : je comprends parfaitement que certains passionnés continuent à rouler en ancienne et je ne cherche certainement pas à convaincre qui que ce soit de mettre un terme à ce genre de passion. Mais moi j’étais moins passionné, sans doute, ce qui justifiait que je fasse le nécessaire pour améliorer mon bilan carbone.
Bref, j’ai revendu l’ancienne en me disant que jamais plus, ce qui ne m’empêche ni de visiter des musées automobiles, ni d’acheter des revues automobiles, ni de lire les B.D. de Thierry Dubois et de Jean-Luc Delvaux (et de bien d’autres également), ni parfois de pester contre une politique des transports que je persiste à trouver incohérente. Je persiste d’ailleurs également à trouver l’automobile irremplaçable et je continue à rouler, dans une auto moderne et sympa qui consomme moins de 6 litres aux 100 km…
Car, sans nul doute, l’automobile vivra. Encore un bon moment. L’automobile ancienne est une affaire de passionnés, souvent nostalgiques, elle a le plus souvent beaucoup plus de charme que ce que propose la production actuelle, mais elle est moins sûre, moins pratique, probablement plus fragile et beaucoup moins adaptée aux conditions de circulation actuelles qu’une automobile d’aujourd’hui. Cette même automobile d’aujourd’hui, qui nous désoriente un peu car son avenir ne semble pas tracé, même si de mon point de vue, cet avenir existe à coup sûr. L’automobile électrique parviendra-t-elle à s’imposer ? Il semble bien que oui, même si cet objet que j’appelle affectueusement « bagnole à pile » ne possède pas que des avantages, à l’évidence. Ce qui me semble le plus paradoxal est la coexistence de la crainte actuelle d’une pénurie d’électricité et de la promotion faite par les institutions (pouvoirs publics, mais aussi constructeurs) d’un moyen de transport qui en réclame beaucoup.
Car les chiffres sont têtus : il y a en France 38 millions de voitures particulières qui parcourent en moyenne 12000 km par an. S’il fallait toutes les remplacer par des bagnoles à pile, en tenant compte du fait que ces choses-là consomment en moyenne 15 kWh aux 100 km, on serait amenés à faire les calculs suivants :
- Chaque véhicule a une consommation annuelle de 120 * 15 kWh, soit 1,8 MWh (1 MWh = 1000 kWh).
- L’ensemble de ces véhicules a une consommation annuelle de 38 * 1,8 TWh = 68 TWh (térawatt·heures), car un TWh c’est un million de MWh.
À ce stade, la plupart d’entre vous se demandent ce que cela représente. La réponse est donnée sur cette page : La production totale d’électricité en France, c’est 500 TWh. Le passage au tout électrique pour l’automobile représenterait une augmentation d’au moins 14 % de la production d’électricité. Je dis « au moins » parce que les 68 TWh, c’est de l’énergie consommée : rien n’étant parfait, il est certain que pour assurer cette consommation, il faut produire un peu plus.
Et bien sûr, ces 68 TWh ne représentent que les voitures particulières. Il faudrait y ajouter la consommation des utilitaires légers, des autocars et des camions (à supposer qu’un camion à piles soit un truc réaliste) : on passerait alors vraisemblablement la barre des 100 TWh. Bref, ça n’est pas parce que vous achetez une caisse à piles que vous ne devez pas culpabiliser. Moi, je crois que je vais renoncer à la bagnole et me payer un jet privé !