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À propos d’Andromaque

Le point de vue de la directrice de collection

jeudi 9 février 2023, par Anne Eecke

Pour ceux qui préfèrent une version lue de cet article, un fichier audio est disponible ci-dessous.


Toi qui entres ici…

Non, ça, c’est Dante.

Racine, c’est autre chose.

Quoique.

Choix de l’œuvre

Mode alternative. Phèdre ou Andromaque ? Bombardée directrice de collection, rien que cela, il me faut trancher, le coupant chez Racine n’est-ce pas ?

Ce sera donc Andromaque pour laquelle j’éprouve une certaine tendresse, terme apparemment peu adapté à l’univers racinien mais qui trouve un écho dans ce personnage de mère et de veuve tourmentée.

Publier l’œuvre

Le mathématicien typographe est un homme heureux, il peut ne publier « que l’œuvre proprement dite sans préface, ni appareil critique, ni rien de ce genre ».

Face à Racine, la littéraire se fait Sisyphe. Surtout quand elle n’aime pas trop les plans (ceux qui sont avouables s’entend) et que le susnommé, qui le sait bien, lui suggère un « truc plus structuré que d’habitude ». Pan dans la face !

Les préfaces

Ne les publions pas mais parlons-en.

Racine en commit deux. Il s’agissait dans la première d’invoquer Virgile et l’antiquité en leur jurant fidélité, puis, dans la seconde, d’invoquer le même Virgile, dans les mêmes termes latins mais cette fois pour asséner , en simplifiant, que le lieu et les noms des personnages sont presque « la seule chose » empruntée à cet auteur.

Soucieux de se conformer à la sensibilité et à la morale de l’époque, Racine relègue aux oubliettes Molossus (fils qu’Andromaque aurait eu de Pyrrhus) au profit d’Astyanax qu’il avoue avoir été « obligé de faire vivre un peu plus qu’il n’a vécu ». Pour tirer les larmes du spectateur de l’époque, Andromaque ne peut aimer un autre mari qu’Hector ni un un autre fils qu’Astyanax.

L’érudit peut toujours se perdre dans les méandres de la mythologie et de la littérature antique, Racine s’en tient à la distribution la plus acceptable pour le public de son siècle, la création adaptée aux conditions de réception.

Il faut bien créer et en vivre !

Vous avez dit éponyme ?

Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque qui aime Hector qui est mort…

Quatre personnages, d’importance presque comparable, ce qui alimenta d’ailleurs en partie la « querelle » d’Andromaque. Deux rôles féminins surtout.

Pourquoi pas Hermione ? Jeune, inconstante, nerveuse, princesse hautaine vaincue par une esclave. Un rôle que les actrices aiment tellement, Sarah Bernhard l’avait préféré à celui d’ Andromaque.

Alors pourquoi Andromaque ?

Veuve, captive, victime d’un odieux chantage, mère exemplaire, elle se définit comme gardienne du souvenir et d’Hector et de Troie.

Au-dessus des passions, au-dessus des stratégies politiques (même si elle peut se révéler fine tacticienne), elle est celle qui survit , accède au pouvoir et respecte la promesse faite à Hector quand d’autres se noient dans le sang et la folie.

Respect Madame.


Des versions numériques de l’œuvre sont présentées dans cet autre article.