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À propos des Assis

La directrice de collection s’exprime

dimanche 19 février 2023, par Anne Eecke

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Quand un petit Poucet rêveur rencontre un bibliothécaire acariâtre qui rechigne à aller chercher des livres plus rares, cela donne Les Assis, féroce coup de gueule d’un sale gosse génial.

Rimbaud avait déjà écorné les douaniers, il s’en prend ici de manière plus violente et provocatrice à tous les représentants et gardiens de l’immobilisme.

Comme ils sont laids et vieux, ces êtres honnis et comme Arthur se délecte de cette quasi autopsie à la fois poétique et dégradante ; la maigreur le dispute à la boursouflure : « fantasque ossature », « doigts boulus » et l’immobilisme se conjugue aux spasmes en une étreinte macabre et érotique : « amours épileptiques ».

L’immobilité vire à la hargne et Rimbaud de convoquer le lecteur à grands coups d’exclamations : « Oh ! ne les faites pas lever ». C’est le bruit et la fureur : « grondant », « cognant », « plaquant et plaquant » jusqu’à l’harmonie imitative de l’assonance : « Tout leur pantalon bouffe à leurs reins boursouflés ». De quoi secouer un peu l’adolescent rebelle et son lecteur : « Et vous suez, pris dans un atroce entonnoir ».

Mais les Assis ne sont jamais debout bien longtemps. S’ils ressassent leurs rancœurs le jour, la nuit vient et son cortège de fantasmes sexuels : « sièges fécondés », « vrais petits amours de chaises ».

Le typographe, peut-être, fut interpellé par la sensualité de cette encre qui crache une virgule et par ce tiret qui introduit de belle manière l’érection finale.


Une version numérique de ce poème est proposée dans cet autre article.