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Entre chat et loup

Un conte, une fable, une morale

dimanche 26 février 2023, par Anne Eecke

Le complément littéraire de ces deux articles :

Existe également en texte lu.


Entre chat et loup

De Zola, on connaît surtout le monument des Rougon-Macquart, les écrits journalistiques engagés. On a moins retenu les recueils de contes. Zola n’était d’ailleurs pas tendre, les qualifiant de « bien pâles ébauches », la critique du xxe siècle ne dira pas autre chose (quand elle prendra la peine d’en parler). Paradoxalement, les contemporains furent plus indulgents, les considérant sans doute plus convenables que les romans de la veine naturaliste.

Le Paradis des chats pourrait bien donner raison à Zola : prenant le relais du narrateur, un Raminagrobis nous conte sa propre aventure. Lassé du confort bourgeois, des caresses fades, de son embonpoint, il s’évade ! C’est d’abord l’extase de la liberté, tous les sens sont comblés, mais vient la nuit, glaciale, avec son cortège de dangers et voilà la faim qui tenaille notre évadé au désespoir de découvrir que « la rue n’appartient pas aux chats ». Grâce à l’aide d’un vieux matou psychologue, il regagnera son logis dès potron-minet pour y recevoir, chronologiquement, une bonne raclée et une bonne pâtée.

Cet apologue animalier peut évoquer Le Loup et le Chien de La Fontaine, dont il semble prendre le contre-pied : pour le loup, mieux vaut être libre et affamé que riche et asservi.

Zola soutiendrait-il le contraire ?

Rien n’est moins sûr si l’on considère les subtilités du récit-cadre. Le narrateur premier, qui introduit l’anecdote, qualifie son chat de « bête la plus stupide que je connaisse » (de quoi peiner le typographe félinophile). Mais où se niche la sottise ? Dans l’évasion ou dans le retour ? La clé de l’apologue ne serait-elle pas dans la dernière phrase « Je parle pour les chats », l’homme lui, doit-il se satisfaire de l’oppression à condition d’être repu ?

Il est temps de revenir au dénouement de la fable et à l’enseignement du Loup :

« Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas

Où vous voulez ? Pas toujours, mais qu’importe ?

Il importe si bien, que de tous vos repas

Je ne veux en aucune sorte,

Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor.

Cela dit, maître Loup s’enfuit, et court encor. »