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Une DS 21 de 1969
Le nouveau Nautilus
samedi 21 décembre 2019, par
Je l’ai achetée en février 2019. Elle est donc arrivée avant le lancement du blog Paroles… et, contrairement à d’autres sujets, aucun article repris de ce que j’avais pu en dire (brièvement) sur Facebook ne lui a été consacré. Elle, c’est une DS 21 d’avril 1969, couleur gris kandahar (AC 133, « AC » pour André Citroën, bien sûr), voir sur le danchorama ce qu’en dit le bon docteur Danche, un de nos meilleurs experts en déessologie. Le toit est quant à lui gris nacré (AC 095), car la DS est une de ces automobiles dont la carrosserie s’accommode bien d’une peinture bicolore (la Mini est également dans ce cas). Je ne parlerai pas de l’intérieur aujourd’hui, puisque, quitte à me faire honnir, j’ai pris la décision de lui refaire une beauté. Quand même, sur la photo, on voit bien que les sièges sont rouges, mais je n’en dirai pas plus.
Cette DS n’est pas ma première voiture ancienne, mais c’est la première fois que j’aime une ancienne inconditionnellement. D’abord parce que mon père en possèdait une, un des derniers modèles (1972, je crois…) que j’avais eu l’occasion de conduire, principalement lors des vacances d’été, entre 1979 et 1982. Et voici que je retrouve toutes les sensations de conduite, du toucher de route si particulier jusqu’aux bruits caractéristiques de l’hydraulique. Car la belle doit son confort exceptionnel (aujourd’hui encore rien ne peut lui être comparé) à un circuit hydraulique sophistiqué, qui prend en charge non seulement la suspension, mais encore le freinage, la direction, l’embrayage et le passage des vitesses. C’est ce que l’on appelle une voiture d’ingénieur, en somme, et il est malheureusement exact que les premiers clients en ont achevé la mise au point. Quoiqu’il en soit, aujourd’hui encore, la DS donne l’impression de se conduire avec deux doigts et un orteil, dans la plus grande décontraction et avec un remarquable sentiment de sécurité (même sans ABS, il est par exemple très difficile de bloquer les roues au freinage).
La DS sort au salon de l’auto 1955 et quitte la scène automobile en août 1975. C’est une carrière extrêmement longue pour une voiture. À titre de comparaison, la Peugeot 403 apparaît en avril 1955 (elle est donc contemporaine de la DS) ; la 404 qui lui succède voit le jour en 1960, puis la 504 en 1968. Pendant ce temps la DS tient bon, bénéficiant chaque année de discrètes améliorations. La ligne, que l’on doit au designer sculpteur Flaminio Bertoni n’a que peu changé, la modification la plus notable étant l’apparition pour l’année modèle 1968 de l’avant « nez de requin » avec phares carénés. Novatrice et même révolutionnaire au départ, cette ligne s’est petit à petit imposée comme un classique ; parmi les grandes berlines à 4 portes, elle représente, pour moi sans aucun doute, un sommet toujours insurpassé.
Il semble difficile de terminer sans citer un court extrait du chapitre que Roland Barthes a consacré à la DS dans son livre Mythologies : « La nouvelle Citroën tombe manifestement du ciel dans la mesure où elle se présente d’abord comme un objet superlatif. Il ne faut pas oublier que l’objet est le meilleur messager de la surnature : il y a facilement dans l’objet, à la fois une perfection et une absence d’origine, une clôture et une brillance, une transformation de la vie en matière (la matière est bien plus magique que la vie), et pour tout dire un silence qui appartient à l’ordre du merveilleux. La “Déesse” a tous les caractères (du moins le public commence-t-il par les lui prêter unanimement) d’un de ces objets descendus d’un autre univers, qui ont alimenté la néomanie du XVIIIe siècle et celle de notre science-fiction : la Déesse est d’abord un nouveau Nautilus. » Pour situer ce texte qui a au moins le mérite d’expliciter mon sous-titre, on peut préciser que Mythologies sort en 1957 : la simple existence de ce chapitre consacré à la DS montre que très vite celle-ci représente bien plus qu’une automobile.
Sitographie